Philippe Etur : Plein de parties du territoire n’auront pas accès à l’hydrogène économique !
Des acteurs engagés dans la production et la fourniture d’H2 renouvelable se rassemblent au sein de la nouvelle fédération de la filière : UnHyR
Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots l’historique de l’union ?
Philippe Etur : La genèse d’UnHyR c’est au cours de l’année 2022, début 2023. Nous nous étions rendu compte que la stratégie nationale hydrogène ( SNH2 ) s’axait beaucoup sur la question d’une production massive de l’hydrogène ( H2 )… et négligeait beaucoup la question de l’alimentation électrique des électrolyseurs.
Il faut savoir qu’en 2022, on a quand même connu une année de très forte tension sur l’approvisionnement électrique en France, avec des niveaux de prix du spot d’électricité moyen sur l’année très largement au-dessus de 200 € et des centrales nucléaires avec une faible disponibilité. Cependant, on continuait à indiquer qu’on voulait mettre 6,5 GW d’électrolyseurs qui consommeraient énormément d’électricité : beaucoup plus que ce que on aura offrir même en 2030, sachant qu’en tout état de cause des nouveaux réacteurs nucléaires ne seront prêts qu’en 2035 au mieux. On ne voyait nulle part dans le débat autour de l’H2 cette question de l’accompagnement du déploiement de l’H2 par des capacités additionnelles d’énergie renouvelable. Et ça, c’était corroboré par les études de RTE qui pensait qu’avec l’électrification des véhicules électriques à batterie, plus les data centers, plus l’H2, on allait avoir besoin de beaucoup d’électricité d’origine renouvelable en plus. Ce n’était pas pris en compte et on a voulu montrer que le grand absent de la discussion autour de l’H2, c’était l’approvisionnement. On avait aussi l’impression que la filière H2 était uniquement représentée par France Hydrogène : un acteur qui ne voulait pas porter ce point-là particulièrement, qui défend l’industrie H2, mais pas sur ces questions-là.
UnHyR est « née » en juillet 2023 avec notre première prise de position publique. Aujourd’hui c’est une union d’entreprises françaises qui représente et défend les intérêts de l’H2 issu d’électricité strictement renouvelable et produit à la maille territoriale. UnHyR n’est pas encore une fédération, une association. Nos statuts ne sont pas encore déposés mais on y travaille : nous sommes tous réunis autour d’une raison d’être commune et validée par les membres. Pour 2024, nous souhaitons associer les collectivités à notre démarche. Notre vision c’est de défendre un H2 produit et distribué localement et de placer les collectivités au cœur des processus de décarbonation.
Pensez-vous rejoindre le Conseil national de l’énergie ( CNE ) ?
P. E. : On ne pense pas avoir la position de France Hydrogène. On n’a pas de permanents, on n’a pas une structure aussi grosse. On verra comment, comment on peut le faire. Très honnêtement, ce n’est pas quelque chose qui nous semble d’actualité aujourd’hui.
Sur quels objectifs porte votre stratégie ?
P. E. : Le premier point, qui est le point de départ de notre réflexion, c’est la question de l’alimentation en électricité renouvelable.
Le deuxième point, qui nous différencie aussi de France Hydrogène, c’est que la SNH2 se concentre sur les gros projets, avec un mécanisme qui vise à mettre en place des appels d’offres pour sélectionner des projets, les accompagner sur les OPEX, … C’est-à-dire en gros un complément de prix sur l’H2, de manière à pouvoir rendre l’H2 bas carbone ou renouvelable plus compétitif. Le problème, c’est que ce mécanisme pour l’instant met un critère à 30 MW d’électrolyse. Or, 30 MW d’électrolyse, ce sont des quantités très élevées : 200 GWh/an minimum d’électricité. Cela produit des quantités d’H2 telles qu’il faut en trouver les usages. Nous, on pense qu’il y a beaucoup de projets qui peuvent se faire à des tailles plus petites. On parle de 5 ou 10 MW d’électrolyse. Et ces projets-là, pour l’instant en France, n’ont plus de guichets car le guichet de l’ADEME va se tarir. La SNH2 ne vise finalement que des très gros projets, portés par de grosses entreprises et qui s’adresse plutôt à des Air Liquide plutôt qu’à des entreprises de taille moyenne comme VALOREM. Ça ne nous semble pas une approche valable, d’autant plus que l’H2 gazeux ne se transporte pas si facilement. Or, si vous produisez de très grosses quantités d’H2 en un même endroit, vous ne favorisez pas la transition vers l’H2 dans d’autres zones. Si vous avez des projets H2 de très grande taille, il y a plein de parties du territoire français qui n’auront pas d’H2 économique à disposition, ce qui est dommage. Il y a un enjeu sur le partage de la valeur au niveau local et beaucoup d’élus sont déjà très impliqués dans la transition énergétique. Les deux questions sont liées : la transition c’est l’occasion de partager la richesse sur le territoire.
Enfin, on milite aussi pour que cette SNH2 française ne néglige pas les projets d’écosystèmes locaux. On voit dans le document du Gouvernement que le modèle des projets diffus et de taille intermédiaire est délaissé au profit des gros projets en contexte industrialo-portuaire.
Nous pensons que réduire les ambitions de la France en matière de déploiement de véhicules H2 et de déploiement rapide d’infrastructures capables de produire et distribuer de l’H2 renouvelable dans les territoires serait une erreur. C’est le modèle le plus mature aujourd’hui et la production d’H2 en France va devoir tenir un rythme de développement très soutenu sur ces prochaines années. On aurait tort de laisser de côté la question des industriels diffus et des projets de taille intermédiaire. Aujourd’hui ce sont des dimensions de projets que l’on maîtrise en terme d ‘approvisionnement en EnR, et nous avons des solutions pertinentes pour leur permettre de décarboner. On connaît le prix et le calendrier au départ ( sur le nucléaire, c’est objectivement un peu plus incertain ).
Les membres fondateurs
d’UnHyR :
VALOREM
BayWa r.e.
R.e.
CVE
LHYFE
ARHYZE
VALECO
Rejoints dernièrement par :
Hynoé
QAIR
Synops Conseil