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Olivier Joubert : Structurer la recherche française en matière d’hydrogène

Olivier Joubert est enseignant chercheur, spécialisé sur l’hydrogène. Il dirige un groupe de recherche permettant de structurer les chercheurs français et d’échanger avec les industriels du secteur. Pour Hydrogenium, il revient sur les spécificités de la R&D en France.

Pouvez-vous vous présenter et présenter Polytech Nantes ?

Olivier Joubert : Je suis enseignant chercheur, professeur à l’université de Nantes dans le domaine de l’hydrogène. J’enseigne à Polytech Nantes, une école d’ingénieur qui dépend de l’université de Nantes et du réseau polytech. Dans cette école, mes enseignements portent sur les matériaux, l’énergie et notamment sur l’hydrogène.Cette école est aussi connue parce qu’elle est impliquée dans l’Ecoshell marathon, une course internationale qui récompense les petites voitures ou engins à quatre roues qui consomment le moins possible d’énergie. L’objet du concours est de faire le maximum de distance avec l’équivalent d’un litre d’essence. L’école Polytech-Nantes participe depuis de nombreuses années et a plusieurs fois été vainqueur dans la catégorie hydrogène-pile à combustible.

Pouvez-vous nous présenter votre groupe de recherche Gdr HySpàc ?

O. J. : Côté recherche, j’ai deux casquettes : la première est locale, je travaille dans un laboratoire de recherche dans les matériaux, mon activité et mon groupe de recherche vise à découvrir des matériaux nouveaux qui remplacent les matériaux actuels, des nouveaux matériaux plus performants, moins coûteux, et qui permettent d’augmenter la longévité du dispositif. C’est mon activité principale de recherche à l’IMN-Nantes. Après, ma deuxième casquette est nationale, c’est la direction d’un groupement de recherche du CNRS dont l’objectif est de structurer les activités académiques au niveau de la R&D française, donc essayer de faire en sorte que les gens communiquent et travaillent ensemble dans ce domaine. Quand on regarde le paysage français au niveau de la R&D de l’hydrogène, c’est éparpillé du nord au sud et de l’est à l’ouest avec à peu près une centaine d’équipes de recherches. Des équipes qui dépendent principalement du CNRS mais aussi des équipes du CEA, INERIS, IFSTAR, et puis encore des équipes universitaires non affiliées au CNRS.

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Comment se situe la recherche française à propos de l’hydrogène ?

O. J. : Honnêtement, on n’a pas à rougir à propos de la R&D sur l’hydrogène, on a des pointures différentes par rapport à ce qui se fait à l’étranger. En termes de production de publications, ce qui est un des indicateurs de la performance de la recherche, nous avons par exemple un niveau similaire à l’Allemagne, mais nous sommes beaucoup plus reconnus pour notre recherche amont, alors que l’Allemagne est reconnue pour sa R&D plus appliquée. Même si en France, on a également une recherche appliquée notamment au CEA. On est donc complémentaires. L’intérêt de la recherche amont est de pouvoir proposer aujourd’hui des innovations pour les technologies de demain. Parce qu’on est toujours en train de progresser, par exemple dans un développement particulier sur les piles à combustibles, l’industriel est à la recherche d’une nouveauté le rendant compétitif au niveau mondial. Donc on est là pour ressourcer la recherche et l’industrie française. Le GDR, qui est une structure du CNRS unique au niveau mondial, crée du lien entre cette centaine d’équipes de recherche. C’est par exemple à l’occasion de ce qu’on appelle les plénières du GDR que les doctorants, les chercheurs aguerris et les industriels se rencontrent et communiquent, à travers des présentations scientifiques ou des tables rondes permettant aux uns et autres de donner leurs avis sur nos avancées et nos recherches. Cette démarche collective de réflexion est en lien avec le souhait d’appliquer la recherche au développement industriel. On sait que les industriels, notamment les PME-PMI ont des difficultés pour trouver le bon interlocuteur dans la recherche. Donc leur implication dans cette structure permet de monter des projets ensemble et de faire connaître nos compétences et notre potentiel d’innovation. Nous souhaitons ainsi apporter ensemble une contribution pour accompagner la transition énergétique en développant des innovations autour de l’hydrogène.

Quels sont les métiers de demain, liés à l’hydrogène, et comment les appréhendez-vous dans votre fonction de professeur ?

O. J. : Déjà il convient de préciser qu’il n’existe pas vraiment d’enseignement spécifique sur l’hydrogène étant donnée l’étendue de la filière. Les métiers touchés par l’hydrogène vont du technicien qui réalise l’ensemble des tuyauteries nécessaires à l’alimentation des piles à combustible et le transport de l’hydrogène à l’ingénieur pour le développement de l’électronique de puissance d’un groupe d’électrolyseurs. L’enseignement est plutôt intégré dans des enseignements plus généralistes dans lesquels on parle d’électricité, de gaz, d’énergie, de matériaux…. Je forme des ingénieurs mais aussi des masters aussi bien sur le stockage de l’énergie sous forme d’hydrogène que sous forme de batterie. Quand ils sortent avec le diplôme ils ont un background très complet. Ils ne sont pas spécialisés sur l’hydrogène mais peuvent très rapidement s’impliquer dans ce domaine.

Dans quelle mesure l’hydrogène peut-elle devenir compétitive vis-à-vis du pétrole ?

O. J. : En ce qui concerne la mobilité, ma réponse va être simple : le coût ! Tant que le coût d’achat du pétrole reste aussi bas, l’hydrogène ou l’électrique sera toujours trop cher pour l’automobiliste lambda. Le particulier achète le moins cher et le plus pratique, même si l’électrique est plus écologique, et c’est normal. Il y a donc deux choses à faire : premièrement, attendre que le pétrole augmente en prix et aider à diminuer le coût de la voiture électrique à batteries ou à hydrogène. D’autre part, il faut augmenter l’autonomie des véhicules électriques et pour faire cela la seule solution c’est l’hydrogène. Un individu qui va acheter une voiture électrique, et qui souhaite, avec la même facilité qu’avec une essence, monter dedans, qu’elle fonctionne immédiatement, faire 600 km, et faire son plein en quelques minutes, ce n’est envisageable qu’avec l’hydrogène.

Si vous étiez secrétaire d’État à l’hydrogène, que feriez-vous ?

O. J. : Je ne suis qu’un chercheur convaincu que c’est maintenant qu’il faut mettre le paquet sur l’hydrogène, une énergie efficace et non polluante. Si j’étais au gouvernement, je ferais deux choses : j’irai voir mon collègue de l’enseignement supérieur pour lui dire qu’il y a un besoin de faire de la recherche dans le domaine de l’hydrogène pour abonder en innovations auprès des industriels, et donc qu’il faudrait un plan spécifique pour aider la recherche. En parallèle, je ferais en sorte de faciliter le déploiement de l’hydrogène en France, donner une aide à l’achat pour des véhicules à hydrogène et lancer la filière de production d’hydrogène par électro-lyse à grande échelle.

 

 

Olivier Joubert est professeur à l’École polytechnique de l’université de Nantes, chercheur à l’Institut des matériaux Jean Rouxel (IMN), directeur du groupe de recherche du CNRS
« Hydrogène systèmes et Piles à combustible » (GdR HySPàC)

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