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Innovations

Shell : la station du futur

Pour rendre la voiture à hydrogène plus attrayante, Shell France et un constructeur automobile allemand ont imaginé une nouvelle station de charge. Explication de Vincent Baril en compagnie de son expert hydrogène, Hechem Nadjar.

Pourquoi une entreprise comme la vôtre s’intéresse-t-elle à l’hydrogène ?

Vincent Baril : Nous sommes actuellement confrontés à des changements dans la façon dont le monde produit et utilise de l’énergie. Le monde va devoir répondre à la demande croissante d’énergie tout en réduisant les émissions de GES. Le transport doit contribuer de manière significative à la transition énergétique : le secteur représente plus d’un quart de la consommation totale d’énergie dans le monde et un cinquième des émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie. L’Agence internationale de l’énergie estime que le nombre de voitures sur la route devrait doubler d’ici à 2050. Shell pense que différents carburants et technologies vont se développer et coexister pour répondre à la demande croissante de mobilité à faibles émissions. La pile à combustible (PAC) est l’une des technologies qui peut jouer un rôle important dans l’avenir des transports, et elle a le potentiel de répondre à la demande croissante de transport, de réduire les émissions et en même temps d’améliorer la qualité de l’air. L’hydrogène est un carburant sûr qui permet de réduire les émissions de CO2 et d’améliorer la qualité de l’air.

Nous travaillons aussi sur d’autres énergies alternatives comme le « GTL ». Le Gas-To-Liquid, carburant liquide issue du gaz, a pour vocation de remplacer le gasoil dans les motorisations diesel. Il est facilement biodégradable, réduit le bruit du moteur et n’émet aucune odeur. Il s’agit d’un carburant de synthèse qui est commercialisé en France depuis 2016 et qui ne nécessite aucune adaptation ou changement de moteur ni même d’aucune infrastructure dédiée : les cuves et stations-service actuelles suffisent. Nous avons constaté une réduction de 20 % en moyenne des particules et des NOx lors de son utilisation et qui peut aller jusqu’à 37 % en fonction de la technologie du moteur. Les Pays-Bas l’utilisent depuis cinq ans. La société de transports de l’Eurométropole de Strasbourg l’expérimente déjà et nous discutons activement avec d’autres grandes sociétés de transport public. Tous les employés des transports strasbourgeois sont très positifs sur les résultats, tant sur la diminution des particules émises que sur l’amélioration de l’agrément de conduite. Le GTL est prêt. Il permet une transition immédiate vers le zéro émission et constitue donc une étape vers cet objectif.

Plus généralement, nous travaillons sur les carburants de seconde génération et la recharge intelligente « smart charging ». Entre l’électrique rechargeable, le GTL, le biofuel ou l’hydrogène, nous n’excluons rien ! La station du futur intégrera de l’hydrogène, du GTL et des biocarburants et s’ajustera aux besoins des clients. Au regard de l’évolution des techniques, des performances et des coûts, il y aura des marchés pour tout. À cet égard, la chance de l’hydrogène est qu’il convient à toutes les routes, toutes les topographies et toutes les situations météorologiques. Nous y croyons et nous investissons.

Vous travaillez déjà en Allemagne au déploiement de l’hydrogène dans un environnement réglementaire pragmatique et stable.

V. B. : L’Allemagne est en effet un bon exemple. Shell fait partie d’une joint-venture avec Total, Air Liquide, Daimler, OMV et Linde et s’est associé avec BMW, Honda, Toyota, Volkswagen et les autorités allemandes et l’Union européenne, afin d’y déployer 400 stations d’ici à 2023. Cela représente un investissement de plus de 350 millions d’euros. Shell a déjà acquis plusieurs véhicules à hydrogène à l’instar de la présidente de Shell Pays-Bas. Une application smartphone et tablette, H2Live, permet d’ores et déjà de cartographier les stations de recharge : rouge, c’est fermé, vert, c’est ouvert.

Reconnaissons que s’il est décidé en France de soutenir ces déploiements pour faire la même chose qu’en Allemagne, ce serait profitable pour le pays. Les autorités peuvent jouer un rôle fondamental en développant des politiques durables qui supportent l’industrie, comme des objectifs de réduction de CO2, d’amélioration de la qualité de l’air, des incitations ou aides en faveur des investissements industriels, mais aussi pour que les clients puissent se tourner vers ces technologies. En Allemagne, six stations hydrogène Shell sont déjà ouvertes au public et quatre vont l’être dans les semaines qui viennent. On y utilise la plupart des technologies existantes, hydrogène liquide à Berlin, un électrolyseur à membrane à Hambourg, par exemple. Nous étudions toutes les solutions pour répondre aux besoins selon les contraintes locales. Nous nous intéressons ainsi à la production sur site pour stocker les énergies renouvelables.

Il faut que les industriels et les pouvoirs publics travaillent ensemble ! Si tout le monde s’attend, constructeurs d’un côté, énergéticiens de l’autre, nous ne pouvons pas avancer. La collaboration est la clé du succès, outre-Rhin comme en France. D’autant plus qu’en France, l’écosystème est prêt, aussi bien à l’échelle des grands groupes français comme Air Liquide, Engie, Alstom, Plastic Omnium, Total, tous membres du Conseil de l’Hydrogène, qu’à l’échelle des PME et des start-up ou encore de la recherche avec le CEA, le CNRS, les grandes écoles et universités. Si demain Renault ou Peugeot se lançaient dans la commercialisation de la voiture à hydrogène, la France aurait alors le potentiel d’être leader dans la technologie hydrogène. La France possède tous les atouts : des chefs d’entreprise passionnés, un réseau de recherche et développement très avancé… Ne manque plus que la volonté politique pour faire avancer les choses !

Comment s’opère le ravitaillement des stations ?

V. B. : Le ravitaillement peut se faire par camion, ou in situ par électrolyse de l’eau en utilisant de l’électricité renouvelable (par exemple la station de Londres réalisée par ITM Power), par pipeline, voire par reformage de gaz naturel.

L’électrolyse in situ sera-t-elle moins chère demain ?

V. B. : Tout dépend de la configuration locale. Il n’y a pas de solution unique.

Y a-t-il un standard de mise sous pression de l’hydrogène distribué dans la station ?

V. B. : 700 bars comme pour les Toyota pour offrir une autonomie de plus de 500 km en rechargeant son véhicule en moins de 5 minutes dans nos stations-service habituelles. C’est la grande différence avec les véhicules à batterie. Le design des pompes quant à lui est important. Nous travaillons en collaboration avec BMW Designworks à quelque chose de simple et de plus attractif. Le parcours client va changer et ce client final est au cœur de nos préoccupations. Notons également que l’acceptabilité sociale de la station par les voisins est un point important de succès.

De combien de stations les pays avancés disposent-ils, en dehors du Japon ?
V. B. : En Europe, plus d’une centaine principalement en Allemagne et une soixantaine en Amérique du Nord. Plus des deux tiers sont ouvertes au public. De nombreuses stations sont déjà en projet. En ce qui concerne Shell, 2 sont ouvertes à Los Angeles et 7 stations vont ouvrir prochainement à San Francisco pour distribuer une moyenne de 400 kg par jour chacune, sous 700 bars. En Allemagne, Shell a déjà ouvert 6 stations et 4 sont en cours d’approbation. Une station vient d’ouvrir en Angleterre et 3 sont en projet. Nous avons aussi des projets à l’étude aux États-Unis, au Canada, Suisse, Autriche, Belgique, Pays-Bas, Asie et… en France.

Quelle place occupez-vous dans le Conseil de l’hydrogène et quelle importance revêt-il à vos yeux ?

V. B. : Shell est un des membres fondateurs avec 15 autres grands groupes internationaux du Conseil de l’Hydrogène qui a vu le jour au Forum Économique de Davos en 2017.

Il doit définir une vision commune pour le transport, l’industrie et l’énergie afin que l’hydrogène devienne un paradigme. Il ambitionne aussi d’accélérer les investissements et d’encourager les décideurs à définir les politiques et soutiens financiers nécessaires à la transition énergétique. L’écosystème est prêt.

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Vincent Baril est Président de Shell France

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