Guillaume Faury : Réinventer le ciel : le rôle des géants de l’aéronautique
" La force publique, les grands régulateurs, doivent pouvoir nous aider à aller plus vite. "
Guillaume Faury : Un point de passage très important a été le fait au niveau mondial : on est accord sur la feuille de route pour décarboner l’aviation.
Si on résume cette feuille de route, premièrement, on a besoin de remplacer les vieux avions par des avions modernes qui consomment beaucoup moins et qui peuvent consommer du SAF. Donc on a besoin de soutien à l’industrie en général, composée de tous les fournisseurs pour permettre cette montée en cadence. On sait combien c’est difficile en ce moment, Il ne faut pas oublier qu’on n’est pas du tout revenu à l’avant COVID en termes de capacité de production.
Deuxièmement, si ces avions seront capables de consommer 50 % de SAF au niveau mondial, on consomme moins que 1 % à ce jour. La feuille de route, elle est assise sur la montée en puissance de la production et de l’utilisation des SAF, et ce à des prix qui soient acceptables et ce au niveau mondial. On a besoin de cette montée en puissance des SAF. Les énergéticiens sont vraiment en train de monter, certes, mais on a besoin de plus que les énergéticiens. On a besoin d’un cadre réglementaire et de soutien financier parce qu’au début les SAF sont très chers et si on veut s’assurer de cette baisse de coûts pour que les volumes montent, il faut aider au début. C’est ce qu’on fait les États-Unis très fortement et je pense qu’on n’en fait pas assez en Europe. On utilise bien le bâton, pas assez de la carotte. Ensuite, on a des choses à faire avec les grands régulateurs européens. Par exemple sur le ciel unique : améliorer de 10% à peu près la performance environnementale, mais économique et aussi en termes de ponctualité. Avec un ciel unique, ça ne va pas assez vite. Aujourd’hui, on parle toujours à la radio, au téléphone entre les contrôleurs et les avions, comme après la 2ème Guerre mondiale, alors qu’on pourrait optimiser le ciel de façon numérique.
Ensuite, on a une feuille de route technologique sur les avions de la génération d’après qu’on est en train de conduire. Là, on prévoit de faire entrer ces avions en service dans la 2ème moitié de la prochaine la prochaine décennie, côté moteur. C’est le programme RISE avec des architectures moteurs différentes qui seront nouvelles. Là, on fait le job.
Ensuite, ça fait rêver, je vois aujourd’hui le sujet de l’hydrogène qui alimente beaucoup de discussions. C’est un élément de brique technologique. A l’horizon 2050, c’est néanmoins relativement petit en termes d’impact sur la feuille de route de décarbonisation. Seul, l’hydrogène ne permet pas mettre un seul gramme de carbone en l’air, quand on fait voler l’avion. Donc on a un certain nombre de choses qui sont prévues. Là, il ne faut pas nous mettre des bâtons dans les roues. Aujourd’hui, dans le cadre réglementaire, on a besoin d’aide à l’accélération sur les SAF. Un exemple : le SAF n’est pas stabilisé au niveau européen. C’est difficile pour les investisseurs prêts à investir d’y aller parce qu’ils ne sont pas sûrs que leur SAF sera éligible ou pas éligible.
Concernant la capture de carbone qui, avec de l’hydrogène vert, permettra de faire des carburants synthétiques. Aujourd’hui, la réglementation qui dit que ce carbone capturé contribue à décarbonisation. Ce n’est pas fait, ce n’est pas acté. Beaucoup d’incertitudes, ça ralentit les projets. En fait, on a besoin d’une réglementation qui aide aux investissements parce que les investissements sont prêts à venir. La réglementation qui empêche d’avancer et qui ne se définit pas, celle qui ne donne pas un cadre clair est un vrai problème.
C’est vraiment un endroit où la force publique, les grands régulateurs, doivent pouvoir nous aider à aller plus vite. Moi ce qui m’impressionne aujourd’hui positivement, c’est que les grands argentiers de la planète sont prêts à aller aux énergies décarbonées. Il faut les aider à prendre leurs
décisions et à accélérer.