Olivier Andriès : Réinventer le ciel : le rôle des géants de l’aéronautique
" Fixons-nous l’objectif d’être un leader mondial dans le domaine des carburants synthétiques ! "
Olivier ANDRIES : C’est vrai que la vitesse de l’accélération américaine est impressionnante. L’Europe se veut être le continent exemplaire en matière d’environnement et nous sommes à la traîne. Sur les carburants durables avec un mandat d’incorporation de 6 % à l’horizon 2030, on est loin du compte et on va aller 2 fois moins vite que les Américains.Il y a deux points importants.
Pour le premier, quand on regarde l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, il y a 2 grands leviers. D‘une part, c’est la technologie vers un avion ultra sobre, avec un travail très intense amené par l’avionneur. Et un travail très intense à donner du côté du motoriste.
D’autre part, la France a une chance extraordinaire, si je puis me permettre, et c’est le seul domaine dans lequel c’est le cas, d’avoir une influence mondiale sur la décarbonisation de l’aviation. Pourquoi ? Parce qu’elle a un avionneur qui est leader mondial, et un motoriste qui est aussi, dans son domaine, leader mondial. Il n’y a pas beaucoup de domaines industriels où la France peut avoir un rôle mondial. Cela nécessite un effort très intensif : de recherche, de développement et de technologie.
C’est-à-dire entre maintenant dans les 5 prochaines années pour être prêt à l’horizon 2035.
Ça veut dire des décisions à l’horizon 2030. L’effort intensif de recherche, il est maintenant et les annonces du président de la République à l’occasion du salon du Bourget 2023 sont bienvenues. La crainte qu’on pouvait avoir, c’est qu’il y avait un effort qui s’arrêtait en 2022. Bon, là on sait au moins que l’effort est maintenu jusqu’en 2027, c’est déjà une étape.
Le 2e point très important, c’est les carburants durables. Ils vont représenter plus de 50 % de la trajectoire de décarbonation de l’aérien à l’horizon 2050 et, là, il faut accélérer. Ce sont des dizaines de milliards d’euros qu’il va falloir investir dans la production de carburant durable. Ce sont au premier chef les énergéticiens qui vont le faire et les financiers qui vont les suivre.
Maintenant, il y a 2 verrous technologiques qui sont importants et sur lequel il va falloir insister et je voudrais vraiment passer ce message :
si on veut y arriver sur les carburants durables, ça ne sera pas avec des biocarburants parce que très vite on va être en limitation de biomasse. La clé ce sont les carburants synthétiques. Je souhaiterais que la France se donne l’ambition d’être leader mondial dans le domaine des carburants synthétiques. Et aujourd’hui, ça se passe ailleurs. Fixons-nous l’objectif d’être un leader mondial dans le domaine des carburants synthétiques ! Cela passe aussi par un verrou technologique : la capture carbone. Parce qu’il ne faut pas se faire d’illusions : si on veut réussir la transition énergétique ou la transition climatique, il va falloir à un moment donné accepter l’idée que cela ne peut se faire qu’à travers une économie circulaire du carbone. Il va falloir trouver les voies et moyens de capturer le carbone dans l’atmosphère. Et ça, aujourd’hui, c’est pareil :
les Américains sont partis plein pot et nous on est où ? Nulle part !
Voilà un peu les messages que je voulais vous faire passer. C’est l’intensification technologique dans les années qui viennent, les carburants synthétiques et la capture carbone.