Shunan : une fierté citoyenne !
Shunan est une ville de 146 000 habitants située en bord de mer et qui produit et exploite de l’hydrogène pour ses habitants et ses services publics de proximité. Pour Hydrogenium, son maire révèle son mode d’emploi.
La ville de Shunan possède un véhicule à hydrogène en auto-partage depuis le 1er novembre 2016. Comment ça se passe ?
Kenichiro Kimura : Notre ville a été sélectionnée par le ministère japonais de l’Écologie afin d’expérimenter la technologie hydrogène à basses émissions. Nous avons donc acheté un véhicule à hydrogène qui est prêté aux citoyens une journée à condition qu’ils fassent le plein avant de le rendre.
Tous les mois, nous prenons les réservations et en quelques heures, la liste est bouclée. En cette fin février, une soixantaine de personnes en a déjà profité gratuitement. C’est la première fois au Japon. Tous les frais sont pris en charge par le ministère de l’Écologie.
L’énergie hydrogène est déjà exploitée concrètement avec un chariot-élévateur et un camion-poubelle, de même qu’elle fournit l’eau chaude et l’électricité aux bâtiments publics. Comment cela a-t-il été mis en œuvre ?
K. K. : Nous possédons à Shunan un complexe industriel qui fabrique de la soude caustique, productrice elle-même d’hydrogène pur en grande quantité. C’est la force économique de notre commune. Aussi, dès 2013, nous avons créé, avec l’État, le département de Yamagushi, les entreprises et les chercheurs, un groupe de travail pour tirer les profits de l’hydrogène.
Nous avons bien travaillé et en 2014, nous avons monté des projets afin de lancer un programme opérationnel. Nous avons ainsi décidé en 2015 d’axer l’hydrogène sur les besoins de la ville en matière d’énergie. C’est pourquoi nous l’expérimentons aujourd’hui sur un chariot-élévateur et un camion-poubelle.
Le chariot-élévateur, par exemple, élaboré avec l’aide de Toyota Industries Corporation, circule dans le marché des grossistes aux fleurs et aux légumes et a pour effet de diminuer les coûts, les émissions de GES et d’optimiser la performance au travail. Notre objectif : inciter les entreprises à en acheter et obtenir une zone zéro émission.
Quant au camion-poubelle, il roule depuis octobre 2016 quatre jours par semaine sur deux circuits précis dans la ville. Plusieurs entreprises privées s’en partagent l’utilisation pour ramasser les déchets, toujours dans cet objectif de réduire les émissions de GES.
Nous avons également une pile à combustible de 3,5 kilowatts dans la gare routière qui alimente en eau chaude et électricité le restaurant. Une autre a été installée dans le zoo pour le chauffage de la douche de l’éléphant, ce qui plaît beaucoup aux enfants ! De même, sur le marché aux grossistes, une pile à combustible de 100 kilowatts est déjà en travaux pour apporter, à terme, chauffage et climatisation.
Comment sensibilisez-vous les élèves à la technologie hydrogène ?
K. K. : Les cours peuvent avoir lieu dans la salle d’étude prévue à cet effet au premier étage du marché de grossistes. Sinon, avec nos agents municipaux, nous allons nous-mêmes dans les collèges faire ce cours spécial hydrogène. À ce moment-là, nous venons avec le véhicule pour le montrer aux élèves et leur prouver qu’il n’y a aucune pollution mais un simple rejet d’eau.
Nous leur racontons ensuite l’histoire énergétique de la ville. Le complexe industriel existe en effet depuis 1906 ! À Shunan, nous avons d’abord purifié le charbon, puis le pétrole, et désormais nous fabriquons de l’hydrogène qui nous sert à expérimenter ces nouveaux usages.
Autre outil pédagogique dont nous nous servons : une brochure sous forme de manga, réalisée par des dessinateurs de la ville, qui explique tout ce processus de fabrication de l’hydrogène. Ainsi, tous les élèves de 15 ans ou plus ont reçu, au moins une fois pendant leur scolarité, un cours sur l’hydrogène.
Le cours, la brochure, l’auto-partage, le camion-poubelle, les panneaux informatifs sur la fabrication de l’électricité dans la gare routière, tout cela nous permet de faire de la pédagogie citoyenne au quotidien.
Comment l’hydrogène peut-il être source d’emplois et de croissance ?
K. K. : À Shunan, nous fabriquons l’hydrogène, le stockons, le transportons, le distribuons et l’exploitons. C’est cette chaîne de valeur qui fait la performance de notre ville et qui nous permettra d’être autonomes en énergie. Dès que la société hydrogène se sera imposée au Japon, nous pourrons être indépendants en fourniture d’énergie.
En misant sur l’hydrogène comme énergie du futur, nous travaillons à la création d’une industrie génératrice de richesses pour la ville et donc de nouveaux emplois pour les habitants. C’est une chance et le meilleur moyen de répondre aux besoins des citoyens. Nous espérons même devenir un modèle de la société hydrogène japonaise.
Kenichiro Kimura est le Maire de Shunan (Japon)