Nicolas Brahy : « Impossible d’arriver à une économie neutre en CO2 sans hydrogène »
Le 6 décembre, des représentants de nombreuses agences de l’énergie de pays européens et d’associations professionnelles liées à l’hydrogène se sont rassemblés à Bruxelles à l’occasion du workshop HyLaw. Ce projet vise à lever les verrous réglementaires concernant l’hydrogène pour permettre son déploiement. Nous avons rencontré Nicolas Brahy, directeur d’Hydrogen Europe, l’association à l’origine de HyLaw.
Pouvez-vous nous présenter le projet HyLaw ?
Nicolas Brahy : Le but d’HyLaw est de rendre disponible le droit sur l’hydrogène. L’hydrogène n’est plus seulement un sujet d’innovation, il y a des produits concrets qui existent et doivent être déployés sur le terrain : des voitures, des bus, des stations, des électrolyseurs, et bientôt la possibilité de l’injecter dans le réseau de gaz. Il faut être sûr qu’on ait la permission d’utiliser ces technologies, or aujourd’hui en Europe, rien ne se fait sans permis, sans autorisation de mettre sur le marché un produit. Il faut identifier quelles sont les règles qui seront appliquées à l’activité que l’on veut faire et traduire comment ces règles, qui n’ont pas été pensées pour l’hydrogène, peuvent s’appliquer aux cas concrets. Essayer de voir si cela pose des problèmes qui n’ont pas été anticipés, et si oui, identifier comment certains pays plus avancés ont pu faire face à la situation et trouver une solution.
Quelle est la situation réglementaire, aujourd’hui, dans l’UE et dans les États membres ?
N. B. : Il n’y a pas de réglementation concernant l’hydrogène en Europe. Selon les applications, selon les types de permis dont on a besoin, il y a un grand nombre de règles qui s’appliquent. Certaines mentionnent l’hydrogène, mais généralement dans un autre contexte, en tant que molécule chimique dans l’industrie, produite en immense quantité dans des zones industrielles et avec un mode de production polluant. Or, ce qu’on veut faire dans les nouveaux usages de l’hydrogène, c’est le produire, le stocker et le distribuer dans des zones autres qu’industrielles, en petites quantités et avec des modes de production non polluants. Donc évidemment il faut des mécanismes de permis et d’autorisations organisés autour de cette nouvelle réalité de l’hydrogène. Et puis il y a de nouveaux usages qui n’ont pas été pensés : par exemple, l’hydrogène pourrait remplacer le gaz naturel dans le réseau de gaz, mais ces réseaux ont été pensés, réglementés et standardisés pour le gaz naturel et pas l’hydrogène. Il y a certaines tolérances qui existent à ce propos, mais elles ne sont pas les mêmes dans les pays. Certains pays acceptent moins d’1% d’hydrogène mélangé au gaz naturel, d’autres 6%, d’autres 10%. Il faut essayer de comprendre ce qui est faisable techniquement et d’harmoniser les réglementations en fonction.
En septembre, les chefs d’État de l’UE ont lancé une initiative pour l’hydrogène. Qu’en pensez-vous ?
N. B. : Le premier challenge de l’hydrogène, c’est que la plupart des gens, jusqu’à récemment, ignoraient son existence comme une solution concrète et immédiate. Jusqu’à l’accord de Paris, l’hydrogène était vu comme un sujet scientifique intéressant mais sur le long terme. Puis on s’est aperçu qu’il n’allait pas falloir décarboner un peu, mais décarboner à fond ! Les ambitions du monde sont d’arriver à une économie neutre en CO2 pour 2050, et pour ce faire il est impossible d’y arriver sans hydrogène, et cela a changé la perspective. La rencontre des ministres à Linz est une reconnaissance symbolique très forte. Après il y a un effort qui doit être fait : il faut que des réglementations favorables à l‘hydrogène soient mises en œuvre, de la même manière qu’il y a dix ans, on a eu des incitations à l’éolien, au solaire et à la voiture électrique, avec des résultats très positifs, puisque ces produits très chers sont aujourd’hui compétitifs.
Nicolas Brahy est le directeur de Hydrogen Europe